- Ah. J’en connais un qui va repartir seul.
Je regardais Gustavo avec un sourire avant de reprendre une gorgée se la bière Belge qu’il venait de me servir.
- Et on peut savoir ce qui te fait dire ça ?- Outre le fait que tu sois encore là et que tu sois assis à boire de la bière seul ? Ta tenue, avait-il embrayé.
Tu es habillé trop… ordinairement.Il avait porté un regard sur mes vêtements, allouant à mon large pull gris et bordeau, un sourcil levé, et à mes baskets entretenues, un sourire colgate. Après tout il n’avait pas tort, je n’étais venu ici que pour boire et accessoirement accompagner un ami en recherche de compagnie.
- Disons que ça passe parce que ton pantalon est noir. Un jean de marque et tu aurais été… parfaitement habillé comme le fils de richou entretenu que tu es.- Tu peux te moquer de moi mon cher, mais en attendant je te parie que même sans chemise élégante je peux repartir accompagné, continuais-je avec un sourire.
- Mais oui, je n’en… ah attends.Il m’avait de nouveau sourit puis était parti servir un client.
Me portant en arrière, bière en main, je tentais d’apercevoir Jackson dans la foule qui avait envahit le bar. Car habitué des lieux, il me fallait bien admettre avoir rarement vu autant de personne s’attrouper ici un samedi soir. En effet, quand tout était normal, on entendait distinctement la musique de fond se glisser entre les différents individus pour venir se mêler aux conversations. Et pourtant aujourd’hui cette dernière ne faisait que disparaître dans le brouhaha constant qui envahissait les lieux.
Je me replaçais, les coudes sur le comptoir, perdant tout espoir de retrouver un jour mon ami. Car même avec une volonté d’acier, je n’étais pas capable de discerner mon camarade des milliers d’autres jeunes hommes présents ici.
- Dis Gustavo, t’aurais pas vu Jackson par hasard ?- Hmmm…Tel une tortue dans sa carapace, il tendit le cou pour tenter d’entrevoir les hauts de crânes qui se mouvaient dans la masse.
- Je crois qu’il est reparti il y a une demi-heure. - Quoi ?! criais-je en montant dans les aigus.
Et t’aurais pas pu me prévenir ?- Je suis pas une baby-sitter je te rappelle.- Et puis c’est quoi cette bière que tu m’as filé ?- Un tout nouvel arrivage que je n’ai pas encore sorti du placard, annonça-t-il fièrement avec un sourire tout en préparant un mojito à une pétasse.
- Attends je sais que je suis un habitué des lieux, mais j’ai pas payé pour te servir de crash test.- Ah bah dommage. Soudain un bruit de verre brisé se fit entendre sur ma gauche, détournant notre attention. Mon barman préféré souffla de désespoir avant de finir le cocktail. Puis, quittant l’arrière du comptoir, il laissa la plus grosse charge de travail à son assistant et s’en alla se perdre dans la masse agitée qui martelait le plancher.
- Je t’excuse si tu m’offre à boire, lançais-je tandis qu’il s’éloignait.
- On en reparlera quand tu auras progressé en espagnol.Comme si je n’avais que ça à faire que d’apprendre une langue parlée par uniquement 400 milles personnes. Le chinois, l’anglais et le coréen étaient déjà à eux seuls suffisants pour me permettre de communiquer en tout, avec plus de deux milliards d’être humains. De plus mon talent naturel pour les langues m'avait toujours permis de comprendre deux trois mots de cette langue aux R imprononçables. A l'heure qu'il était j'étais en outre certainement meilleur en espagnol qu'en japonais.
Regardant ainsi Gustavo et ses airs latinos se faire un chemin dans la foule, j’en vins à poser mes yeux sur les autres consommateurs qui se donnaient pleinement dans la consommation d’alcool et la drague instantanée. Soudain au milieu de cette foule de cheveux lisses se dégagea une épaisse chevelure bouclée que j'attribuais immédiatement à un souvenir douloureux.
Et pour cause, Iris se tenait fièrement assise en bonne compagnie, souhaitant certainement attirer le regard avec son pull moutarde, telle une tâche colorée au milieu des vêtements sombres de la population. A son allure, à son verre et au reste de son attitude, il ne me fallu pas plus de trois secondes pour comprendre que sa soirée s’était égaillée grâce à la présence de
Monsieur Gin Tonic.
Une volonté de vengeance envahit mon être, noircissant ainsi mon sang jusqu’au coeur et affichant sur mon visage un sourire malsain. Car puisqu’elle avait délibérément ruiné ma soirée de septembre, il n’y avait aucune raison pour que la sienne se termine en beauté.
Quittant mon tabouret, l’allure décidée et bière en main, j’étais arrivé au milieu de leur conversation comme une fleur, un sourire faux sur le visage.
- Tiens donc, comme on se retrouve Iris. Ah mais attends, tu serais pas le gars au Gin Tonic ? dis-je en m'adressant alors à l’homme qui avait pris place face à elle.
Incroyable ! A croire que le destin nous a réuni n’est-ce pas merveilleux ? Hey mais franchement mec tu t’es fait rouler la dernière fois. C’est vrai quoi, le serveur aurait au moins pu mettre la dose légale d’alcool plutôt que de t’offrir une boisson diluée. Jusqu’ici j’avais ignoré Iris, uniquement tourné vers celui qui avait entreprit de lui tenir compagnie. Soudain je luttais contre l’envie de reculer de dédain. Car la chemise froissée de ce dernier, son allure trop propre et son sourire ordinaire me donnèrent presque envie de grimacer. Quant à ses chaussures elles semblaient n’avoir pas été cirées depuis plusieurs mois et démontraient clairement d’un manque d’estime de soi.
D’un autre côté je pouvais comprendre sans mal ce qui rendait cet homme potentiellement attirant pour la gente féminine. Car outre ces écarts il avait l’air soigneux, amoureux de ses cheveux trop laqués par des produits de basse qualité, athlétique, bien que seulement pour un footing du dimanche matin et enfin avenant, tel le nounours qui sert de compagnie aux gamines de huit ans.
Cependant sa fausse assurance me ramenait à la raison. Il n’avait décidément aucune chance de faire le poids face à moi, et finirait certainement par jeter son dévolu de soirée sur une fille tout aussi ordinaire qu’il ne l’était. En effet, de nos jours, c'était bel et bien le genre de poule qu'on pouvait ramasser à la pelle dans ce genre d'endroits.
- D’ailleurs si tu veux bien nous excuser, je crois qu’elle et moi avons des comptes à régler.Dans mon discours j’avais posée une main oppressante sur son épaule avec un air amical. Mais à la vue de ses yeux empli d’inconfort, la raideur de ses muscles ne fit que confirmer ce que j’avais anticipé, à savoir un départ lent et soumis vers une destination moins prestigieuse que la fille des Wolf.
Bon débarras.
Lorsqu’enfin il nous eu quitté, j’avais affiché sur mon visage le sourire satisfait que ma famille avait trop de fois eu l’occasion d’expérimenter. Aussi me retournant vers Iris, je m’étais installé là où se trouvait plus tôt
Monsieur Gin Tonic, pour finalement entreprendre une conversation avec elle.
La soirée était déjà bien avancée. Ma bière était vide. J'allais faire concis.
- J’ai entendu dire que les femmes ont moins d’enzymes que les hommes pour digérer l’alcool et qu’ainsi elles sont moins disposées à le tenir, avais-je dis en faisant des signes à l’assistant de Gustavo.
D’un autre côté il est dit que ce sont les asiat’ qui tiennent le moins bien…Contre toute attente, c’est Gustavo lui-même qui était apparu face à nous, me glissant un regard complice. La commère de service était de retour parmi nous, tel le chien qui avait flairé un futur dossier sur un habitué.
- Tiens Gustavo, puisque que tu es là. Niveau alcool, tu parierais plus sur la femme, ou l’asiat ? - Du moment que tu me payes Felix…Sans pour autant avoir bougé, il semblait attendre derrière le comptoir les bras croisés, comme observant l’issue d’un spectacle qui divertirait sa soirée. Puis, me retournant à nouveau vers la séduisante jeune femme, je lui offris un regard provocateur.
- Et toi Iris, tu veux parier ? Annonçais-je enfin comme incitation au défis.
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